1518 – épidémie de danse mortelle à Strasbourg - 29/04/23
Riassunto |
Objectifs |
Présenter l’épidémie dansante de 1518 à Strasbourg et discuter une possible étiologie par intoxication aiguë à l’ergot de seigle (Claviceps purpurea).
Méthode |
Juillet 1518, en plein cœur de l’été, Frau Troffea se met à danser frénétiquement dans les rues strasbourgeoises. En quelques jours, une dizaine de personnes commencent à l’imiter. En quelques semaines, ils sont plus de 400 à présenter les mêmes symptômes : hystérie avec cris, implorations, transe, sueur, « regard vague et visage tourné vers le ciel », « bras et jambes animés de mouvements spasmodiques ». Les corps émaciés dansent jusqu’à épuisement et même si aucune mort n’est mentionnée à l’époque, les écrits ultérieurs dénombrent jusqu’à 15 décès par jour, principalement à cause de déshydratation ou par arrêt cardiorespiratoire.
Résultats |
Face à cette épidémie, le maire de Strasbourg met d’abord en place un cordon sanitaire autour des danseurs. Une commission est spécialement créée, comprenant autorités religieuses et médecins. Les premiers évoquent une punition divine des Strasbourgeois qui n’auraient pas assez participé aux quêtes et indulgences. Les seconds optent pour une maladie due à un « sang trop chaud », combinaison de la chaleur estivale et de la conjoncture astrale. Ils préconisent des décoctions d’orge, du pain et de la musique avec des « cithares, violons, luths ou orgues positifs ». Le conseil de la ville décide alors d’accompagner les danseurs avec des musiciens mais devant l’aggravation du nombre de cas, il fait volte-face et les danseurs sont envoyés au sanctuaire de Saint-Guy du Holenstein pour 3 grand’messes, un tour d’autel et une quête. L’épidémie prend fin quelques jours plus tard.
Conclusion |
En 1526, Paracelse, médecin, alchimiste et fondateur de la toxicologie, enquête sur place et fait un compte-rendu détaillé de ce qu’il appelle chorea lasciva. Selon lui, Frau Troffea, fâchée, aurait simulé la maladie pour irriter son mari. D’autres femmes l’auraient ensuite imitée puis, dans un contexte d’omniprésence des croyances religieuses, d’autres personnes se seraient persuadées d’être malade et auraient développé les symptômes.
Pendant longtemps, une intoxication par l’ergot du seigle a été évoquée. En effet, le tableau clinique de l’intoxication aiguë par ses alcaloïdes (notamment ergoline, ergotamine) associe : troubles digestifs (diarrhées), neurologiques (nausées, vomissements, céphalées, spasmes et convulsions) et psychiatriques (délires, hallucinations, manies, psychose). Cependant, de par son effet vasoconstricteur, le risque de syndrome ischémique des extrémités, de nécrose tissulaire des extrémités et de gangrène semble difficilement compatible avec une danse des jours durant.
Aujourd’hui encore, l’origine de cette peste dansante questionne et fait débat.
Pour le romancier Jean Teulé, il s’agirait d’une réaction instinctive et désespérée face à la misère des temps et aux inégalités durement ressenties par les gens du peuple. « On n’a plus rien, allez on danse » aurait d’ailleurs prononcé une femme.
Pour l’historien de la médecine John Waller, il s’agirait d’une psychose induite par un stress élevé à un niveau de masse, sorte d’échappatoire psychologique à une situation angoissante de misère, combinant instabilité politique, famine, maladie (apparition de la syphilis) ; et superstition. La transe se serait donc propagée dans un contexte d’individus vulnérables sur le plan psychologique, croyant aux châtiments divins.
Pour le pédopsychiatre Bruno Falissard, la description clinique évoque une hystérie, au sens psychiatrique du terme, avec des symptômes de conversion ; des comportements qui peuvent être contagieux.
Alors que d’autres manies dansantes ont été répertoriées au cours des siècles, dont la dernière à Madagascar en 1863, nul n’en connaît aujourd’hui encore l’étiologie précise. Sang trop chaud, culte hérétique, possession démoniaque, ergotisme ou hystérie collective ; et si les Strasbourgeois de 1518 étaient finalement les précurseurs des rave-parties d’aujourd’hui ?
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Vol 35 - N° 2S
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